T E S Y E U X M 'O N T V UChapitre 13
"Ferme les yeux, pointe à l'est, pointe à l'ouest, pointe vers celui que tu aimes le moins."
"Maus, Karl Maus, le fiancé de Marie-Sophie!"
"Tu frissonnes..."
* * *
"D A S K A B I N E T T D E S H E R R N M A U S ."
(La jeune fille regarde la porte entrouverte en hésitant, elle frissonne mais se ressaisit et se dirige vers la porte.)
M A R I E - S O P H I E : Karl?
(Le palier de l'escalier se redresse derrière la fille et elle trébuche à travers l'ouverture de la porte.)
M A R I E - S O P H I E : Dis-moi quelque chose...
(La pièce est obscure à part la lumière du jour gris métal qui filtre à travers une petite fenêtre sale au dessus d'un grabat défait. La fille recule devant l'ombre d'une armoire placée contre le mur en face d'elle ; l'ombre tombe en biais à partir de l'armoire, contre le jour, sur la fenêtre, à travers le plafond et reste suspendue au-dessus de la fille comme un poing serré.)
M A R I E - S O P H I E : Karl? Tu est là?
* * *
"Sors de là petite!"
* * *
(La porte se ferme en claquant. La fille se retourne. Herr Maus est debout devant la porte. Il s'étend, le corps couvre le mur et la tête est cernée par l'encadrement de la porte et le plafond. Elle a peur et sourit.)
M A R I E - S O P H I E : Mon Dieu, je ne savais pas où tu étais passé...
(Herr Maus éclate d'un rire rauque, l'obscurité joue un vilain jeu sur son visage ; ses lèvres sont d'un noir bleuâtre, le nez comme le canon d'un revolver, les yeux enfoncés. La fille tâtonne nerveusement une croix en argent qu'elle porte autour du cou. Herr Maus parle de façon menaçante à travers ses dents jaunes de tabac.)
K A R L : Tu sais dans quoi tu t'es laissée entraîner?
M A R I E - S O P H I E : Entraîner? Je soigne quelqu'un, tu devrais le voir, tu comprendrais peut-être qu'il n'y rien de suspect.
(Herr Maus baisse la voie pour qu'elle ne devienne qu'un chuchotement et les mots éclatent dans les oreilles de la fille.)
K A R L : Tu es une vraie sotte! Pourquoi crois-tu qu'ils te laissent avec le nez crochu? C'est pour qu'ils puissent être dégagés en cas de pépin.
(Herr Maus essaie de rire mais avale de travers. Il crache dans sa paume, met la main rapidement dans sa poche et y laisse la saleté.)
K A R L : Et tu peux être assurée qu'il vont se rendre compte que le Gasthof Vrieslander n'est pas infesté par des rats habituels.
(La fille guette une échappatoire. Herr Maus arrive à sortir un mélange d'accès de rire et de toux. La fille recule devant les bruits corporels de l'homme et se déplace vers le fond de la pièce, vers la fenêtre - l'ombre la suit.)
M A R I E - S O P H I E : Excuse-moi, mais comment sais-tu que nous avons un hôte que tout le monde ignore? Tu n'est pas venu me voir depuis une semaine. Oui, si je disais que tu inventes tout - du délire pur et des conneries?
(Herr Maus fait un pas vers la fille. Le plancher craque, les murs de la pièce s'ébranlent, la fenêtre devient plus étroite.)
K A R L : Je ne suis pas venu à l'auberge depuis une semaine?
M A R I E - S O P H I E : Oui!
K A R L : Qu'est-ce que tu veux dire? Je suis venu tous les jours peut-être?
M A R I E - S O P H I E : Je veux dire non...
(Herr Maus avance brutalement ses mâchoires non rasées et miaule.)
K A R L : Je veux dire non...
(La fille avance hardiment vers Herr Maus.)
M A R I E - S O P H I E : Je n'ai pas le temps, Karl, tu sais bien ce que je veux dire.
K A R L : Tu veux dire Herr Maus. Je garde le cadavre de Karl dans l'armoire là-bas - tu veux le voir?
(Herr Maus attrape les épaules de la fille, l'attire contre lui et roule ses yeux rouges - l'ombre au-dessus d'eux prend la forme d'un homme.)
K A R L : Mais tu n'as évidemment pas le temps de saluer un ami décédé, tu dois te dépêcher d'aller travailler et baiser le juif!
* * *
"Qu'est-ce qu'il est dégoûtant cet homme!"
* * *
(La fille essaie de s'échapper, Herr Maus renforce sa prise ; ses poings deviennent blancs et les jointures des épaules claquent).
M A R I E - S O P H I E : Comment peux-tu penser une chose pareille? L'homme est très malade...
K A R L : Hah! C'est ça, il n'est pas si malade si vous pouvez baiser comme des chats sans queue là dans la chambre du prêtre.
(Herr Maus serre les dents d'énervement et secoue la fille brutalement pour souligner ses mots.)
K A R L : On ne vous entend pas beaucoup, non, tu sais comment le faire sans bruit - Karl me l'a dit. N'est-ce pas Karl?
(Herr Maus appelle par dessus l'épaule de la fille. De l'intérieur de l'armoire on entend de l'agitation, des graillonnements et une voix fatiguée.)
L A V O I X D A N S L ' A R M O I R E : Si!
K A R L : Karl était en effet à l'auberge hier!
M A R I E - S O P H I E : Foutaises!
K A R L : (Fier de lui.) Raconte-lui!
L A V O I X D A N S L ' A R M O I R E : J'étais dans la chambre du vieux Tomas, tu m'a presque rendu sourd avec ton tapage dans le mur...
(La fille a le souffle coupé.)
K A R L : Voilà! Avec Karl on se dit tout! Il m'a tout raconté sur toi et comme c'est bon de te baiser. Parfois tu pleures quand vous avez fini - Karl trouve ça amusant.
M A R I E - S O P H I E : Cher Karl, laisse-moi partir.
(La fille commence à pleurer.)
K A R L : Voilà, qu'est-ce que je disais? Tu me crois maintenant? Eh? Tu me crois quand je te dis que je sais ce que tu fais avec ce misérable qui est gardé à l'auberge?
M A R I E - S O P H I E : Oui.
K A R L : Je ne t'entends pas.
M A R I E - S O P H I E : Oui!
K A R L : Comment?(La fille regarde Herr Maus avec des yeux pleins de larmes).
M A R I E - S O P H I E : OUI!(Herr Maus fixe la fille furieux. Une crampe incontrôlable le défigure et l'effroi de la fille se transforme en étonnement quand la partie supérieure de la tête commence à s'allonger. Elle s'étend des sourcils et des oreilles, telle un tendon épais, et se dirige en courbe vers l'intérieur de la chambre jusqu'à ce que le sommet de la tête touche une petite cuillère qui se trouve parmi des brouillons d'un poème héroïque écrits à la main sur une table branlante contre le mur en face de la fenêtre.)
* * *
Un petit garçon s'occupe à retourner des dalles de granite de l'épaisseur d'une main qui longent un bâtiment cossu. Il fouille la terre en dessous, trouve un galet ou un bout de racine qu'il retourne entre les doigts avant de le jeter sur le gazon bien entretenu.
Le petit garçon retourne les dalles les unes après les autres, trouve un galet, une vis.
Il arrive à une dalle qui lui résiste. Et après l'avoir attaquée en vain avec les mains nues il entre en courant dans le bâtiment.
Le petit garçon se glisse dans une cuisine très propre, va directement vers un placard qui contient de l'argenterie scintillante et en sort une petite cuillère, la fourre dans sa poche et se glisse dehors.
Il enfonce la petite cuillère dans la terre autour de la dalle, la retourne et met la main devant la bouche.
Dans la terre est allongé un petit oiseau, un tas de vers grouillant.
- MAMAN!
* * *
(La tête de Herr Maus retrouve sa forme initiale avec un bruit sec, il rejette la fille, elle tombe sur le grabat sous la petite fenêtre.)
K A R L : Sale pute!
(Herr Maus parcourt la pièce dans un désespoir qui semble vouloir l'écarteler membre par membre. La fille regarde désespérément la fenêtre et la porte - elles rétrécissent devant ses yeux et deviennent des muscles circulaires souillés.)
M A R I E - S O P H I E : (Appelle.) Karl!
(Herr Maus ressaisit sa pensée, s'arrête à côté de la fille sur le grabat et se penche vers d'elle.)
M A R I E - S O P H I E : (Chuchote.) Laisse-moi sortir...
K A R L : (Doucement.) Je suis sûr que Karl te laisserait sortir s'il n'était pas enfermé dans l'armoire là-bas, chère amie.
(De l'armoire sort un grommellement misérable : "C'est vrai Marie-Sophie, je te laisserais partir".)
K A R L : Je ne suis pas Karl, je suis Herr Maus et Herr Maus exige que les gens lui témoignent de la politesse. Herr Maus veut que les gens lui disent : "Votre excellence!" quand ils l'embêtent avec des demandes - et là il est en général assez compréhensif.
M A R I E - S O P H I E : Votre excellence, puis-je partir? Je suis restée ici beaucoup trop longtemps, l'inhaberine me tue, le propriétaire m'achève, la cuisinière m'assassine, et les deux Messieurs me tordent le cou si j'arrive trop tard à l'auberge. Il faut que j'y aille...
K A R L : Naturellement, Mademoiselle, naturellement. Rien ne nous semblerait plus absurde que de vous garder ici contre votre gré!
(Herr Maus donne la main à la fille et elle la prend hésitante. Il l'aide à se relever et la mène vers la porte.)
K A R L : Herr Maus a de bonnes manières, Herr Maus est un chevalier dans ses rapports avec des demoiselles vertueuses mais un dur sans pitié quand il rencontre les injustes. Et il n'y pas de doute que vous appartenez au premier groupe, ou bien?
(Herr Maus tord la main de la fille derrière son dos et ils restent collés l'un à l'autre ; la douceur hypocrite disparaît de son visage. Il commence à ricaner.)
K A R L : Ou bien? (Il essaie d'étouffer un rire.) N'êtes-vous pas sûre d'avoir le corps et l'esprit purs? N'est-ce pas?
M A R I E - S O P H I E : (Hésitante.) Votre excellence le sait bien.
K A R L : Et nous pourrions alors éventuellement poser une dernière question à la demoiselle ? (Il pouffe de rire.)
M A R I E - S O P H I E : Arrête!
(Herr Maus attrape la nuque de la fille, pousse sa tête vers l'avant, met sa bouche contre son oreille droite et pleure de rire.)
K A R L : Hahaha! Comment vous l'avez fait? Toi et le juif? Hahaha!
(Herr Maus force la fille à se mettre à genoux.)
K A R L : Putain de merde! Hahaha! Tu ne peux pas répondre à une question simple?
(La fille n'arrive pas à parler par douleur.)
K A R L : Dis-moi comment vous l'avez fait ou je te le montre! Hahaha! C'est bien trouvé ça. Hahaha! Comme si je savais quelque chose sur comment ces porcs circoncis montent sur leurs truies.
* * *
"Pourquoi elle ne ment pas quelque chose à ce salaud et s'en débarrasse?"
* * *
(Herr Maus laisse la main de la fille mais renforce sa prise sur son cou. Il ne rit plus.)
K A R L : (Tristement.) Alors je suis obligé de te montrer ce que je veux dire...
(Herr Maus tire la fille sur les genoux vers l'intérieur de la pièce, enfonce sa tête vers le sol, s'assied sur les talons derrière elle, soulève sa robe, tire le slip brutalement vers les genoux et la tient ainsi fermement pendant qu'il cherche quelque chose avec l'autre main sur la table.)
M A R I E - S O P H I E : (Avec une voix étouffée.) Karl, je crie, j'étouffe.
K A R L : Nous nous appelons Herr Maus, criez comme vous voudrez - c'est un grand plaisir pour nous de crier avec une truie aussi méprisable que vous!
(La fille crie. Herr Maus hurle. L'ombre rage à travers la pièce comme un feu dans une tempête, l'armoire est secouée violemment.)
L A V O I X D A N S L ' A R M O I R E : Au nom de Dieu, laisse la tranquille!
K A R L : Ta gueule! Nous avons conclu un marché et il tient!
(Herr Maus siffle doucement, il a trouvé ce qu'il cherchait - l'objet scintille dans sa main quand il se penche en avant et le met devant les yeux de la fille.)
K A R L : Il a une forme à peu près comme ça, non?
(Dans les prunelles gonflées de la fille se reflète un tire-bouchon qui saillit du poing solide de Herr Maus.)
M A R I E - S O P H I E : NON!
* * *
"Non! Au diable toi et ton histoire répugnante! Je m'en vais!"
"Ne pars pas, s'il te plaît? Ne me laisse pas avec Karl Maus et ma mère, s'il te plaît? Reste avec moi jusqu'à ce que l'horreur soit finie, je ne la supporte pas tout seul."
"Promets-moi d'en finir aussi vite que possible et de ne pas te vautrer dans l'horreur, alors je reste. Tu le promets?"
"Oui, mon Dieu, je ne le fais pas pour m'amuser. Il faut que je décrive le tout comme ça s'est passé, sinon l'histoire est fausse et la suite n'a pas de sens."
"Donne la vérité alors! Je t'écoute."
* * *
(Herr Maus dirige son regard de la fille vers le tire-bouchon avec étonnement.)
K A R L : Qu'est-ce que tu dis? J'ai toujours cru que la bitte des porcs était tordue comme leur queue. Peut-être que tu ne l'as pas assez bien senti quand le nez crochu l'a enfoncée en toi, peut-être que celui-ci te rafraîchira la mémoire!
(Herr Maus soulève le tire-bouchon derrière la fille - elle perd connaissance et s'écroule sur le plancher. Herr Maus relâche sa prise du cou de la fille, scrute son visage blême et écoute sa respiration. Après un long moment la fille reprend connaissance.)
M A R I E - S O P H I E : (d'une voix froide et neutre.) Si, elle était tordue comme un tire-bouchon, queue de porc, dent de narval.
(Herr Maus jette le tire-bouchon avec un air de dégoût. La fille est soulagée un instant. Herr Maus la regarde ému aux larmes.)
K A R L : Mon enfant! Ton ventre de mère - ton sanctuaire le plus précieux - a été souillé et tu ne le vois pas. Il est écrit : "23 Evitez ceux qui à l'aide de la chair vous promettent une part du père, ils sont menteurs et hommes adultères ; les descendants du serpent Leviathan, qui les a engendrés avec lui-même dans l'obscurité éternelle. Avec la ruse de la volupté ils enlèveront les yeux de vos âmes : Vous ne verrez pas et ne serez pas vus."
(La fille est effrayée et essaie de se relever mais Herr Maus enfonce son poing entre ses omoplates et appuie de tout son poids.)
K A R L : Mais ne désespère pas, ceux qui ont été touchés par les impurs peuvent être sauvés.
(Herr Maus déboutonne sa braguette avec la main libre.)
K A R L : Si un juste s'avance et touche celui qui a l'âme aveuglée comme le ferait le tentateur, mais en prononçant le mot de Dieu, alors il arrive à diriger la vue du père vers le souillé ; et son regard tout-puissant relève le pêcheur.
(Herr Maus soupire et sort son pénis.)
K A R L : Et voici celui qui va se sacrifier pour toi, mon enfant.
(Herr Maus durcit le pénis dans sa main.)
K A R L : Il est muet le pauvre, donc je suis obligé de gazouiller ses prières. (Le souffle court.) Notre père, vous qui êtes aux cieux...
(Herr Maus met son pénis contre la vulve sèche de la fille.)
K A R L : ... béni soit votre nom...
(Il hésite, baisse la tête et s'adresse au pénis plein d'attention.)
K A R L : Non, merde alors si je te salit avec les liquides de ce porc.
(Herr Maus remonte son pénis d'un pouce et l'enfonce dans la fille.)
(La fille crie.)
(Traduction libre de Ásdís Ólafsdóttir).)_____pr.se__:P-r-O-s-E__
prose__-----__H O M E.__*